Maillot de bain, plongeon, bus, à très vite !
Quelques éclats d’eau, elle est froide !, je fais mine de te pousser dans le bassin, un plongeon, elle est bonne en fait quand on est dedans. Parfois, dans mon métier, je suis payée pour aller à la piscine. La première séance a permis d’évacuer bien vite les questions du genre un maillot une pièce ce serait peut-être mieux non (en fait, non, j’en ai pas, j’ai mis mon maillot deux pièces et c’est très bien comme ça – la réalité économique et les contraintes de temps ont réglé la question), un maillot de bain ça fait pas lourd sur la peau dans un cadre de travail (belle occasion de se demander à nouveau pourquoi déjà on cherche toujours un maximum de protections, de limites, surtout ne pas être touché ? – dans ces cas là, bien souvent, c’est Alexandre Jollien qui vient à ma rescousse) et aussi le regard de ces gars qui vivent parfois dans une solitude affective, j’espère qu’il va pas être trop pesant (ben non plus, on se connaît, on se respecte, et pour mater en plein mois d’août presque caniculaire, y’a pas besoin de moi – et hop ça remet à sa place en plus).
Bref, les réponses à ces questions trouvées, je suis détendue, shootée à l’odeur du chlore, contente d’être dans ce cadre atypique, pour un moment de rencontre privilégié. Quelques blagues sur les maîtres-nageurs qui ont réprimandé les plongeurs, on reste où on a pied, j’ai pas nagé depuis des années, ces bonnets c’est ridicule quand même ! Moi je vais faire quelques brasses, je reviens. Allez, je viens avec toi, mais je suis pas sûr d’y arriver, pas grave on se met sur le bord, non ? Et on est partis. Une longueur de 50 mètres, pause au bout de la ligne ! Sourire, c’est comme le vélo ça s’oublie pas ça, mais je suis fatigué, y’a 10 ans, je faisais ça tranquille, comme toi là. Ça m’énerve ça bon allez on repart.
Et voilà quelques longueurs, quelques pauses au milieu, on se coule et s’éclabousse, tu sais, rentrer dans un logement après toutes ces années à vivre dehors, vraiment c’est difficile, faut tout apprendre, c’est comme un nouveau métier. Et on discute, encore, de l’appartement qui oppresse et étouffe, de l’immeuble qui semble hostile tout entier, de l’impression que dehors, on était moins angoissé, plus libre aussi. Allez, on se fait encore un aller-retour ? Ah mais tu vas me tuer ! Et les envies, les trucs qui font plaisir, du bien? Rien, envie de rien, aucun rêve, l’ennui, la tristesse, l’électricité dans la tête, l’alcool, les regrets. Comment on peut aider ? Rien, rien, rien. Mais on nage ensemble, et c’est déjà ça.
On se revoit, on se chambre sur la piscine, on reparle de l’appartement et de la douleur que la situation provoque, de la possibilité de déménager ailleurs mais pas tout de suite faut attendre un peu, et voir quelqu’un pour parler d’alcool oui pourquoi pas, d’un traitement à retenter y a une époque ça faisait du bien. Et aussi du projet qui mûrit de prendre le bus pour retrouver la famille quelque temps au pays en attendant que l’autre appartement soit disponible, c’est possible ? Peut-être que ça me permettra de tenir.
Puis plus de nouvelles, le téléphone sur répondeur, personne à l’appartement une fois, deux fois, trois fois, serait-il parti, étonnant, il avait promis de nous le dire. Et on se recroise presque par hasard sur un banc, ben alors t’étais où ? Les clefs à l’intérieur de l’appartement, à répétition, quelques nuits dehors, l’alcool, les vieux copains, envie de rien, partir peut-être mais déjà 200 euros envolés, il reste pas grand chose. Allez, on se refait une piscine ?
Nouvelle séance, un plongeon à nouveau réprimandé mais c’est tellement bon cette sensation d’entrer dans l’eau par la tête, quelques éclaboussures, une poignée de longueurs, un œil sur la montre, bon j’y vais, faut que j’aille au guichet retirer de l’argent pour partir, demain c’est férié. Ah, euh, ok, salut, on repasse vendredi dire bonjour ? Oui d’accord. Je suis un peu déboussolée, inquiète aussi, j’espère que ça va quand même, ces derniers temps c’était pas la patate, je refrène un élan vers les vestiaires pour lui reposer la question, ça va aller ?, mais je me ravise, trouvant ce réflexe un peu trop protecteur, pas complètement sûre de faire le bon choix non plus. Et puis un soupçon de culpabilité, je vais pas rester là, je suis pas payée pour nager seule dans une piscine ! J’enchaîne quelques brasses quand même, faudrait vraiment que j’apprenne le crawl.
Vendredi, salut l’équipe je suis arrivé dans la famille, j’ai pris un bus hier, je suis super content d’être là, je reviens dans quelques temps, quand l’autre appartement sera prêt, on se tient au courant, merci pour tout, à très vite !
Allez, à ton retour, on se refait une piscine.
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